Cet article propose d’étudier le lien entre la crise et l’écriture chez Emil Cioran. L’idée est de voir comment la crise existentielle cioranienne se traduit dans ses textes. Quels moyens lexicaux et rhétoriques le permettent et quel rôle joue l’écriture face à cette crise ? Conscient de l’absurdité de l’existence, ne voyant sens ni consistance dans la vie humaine et torturé par le poids que lui inflige cette conscience, il n’a d’autre recours que le langage pour extérioriser un trop-plein de douleurs et d’ennui. Pour lui, écrire, c’est se débarrasser des bouillonnements et agitations intérieures dans des mots qui, à l’image de la douleur de l’être, se font violents, blessants et tranchants. Mais la crise de l’être finit par contaminer l’expression. Avec Cioran, le langage, l’écriture et les mots sont mis en crise. À travers la fragmentation et la brièveté, il rompt avec l’unité du texte et propose ainsi des écrits qui, privés de continuité voire de cohérence, miment l’inconsistance du monde pour que la crise s’élargisse et touche ainsi, non seulement à l’être et au monde mais aussi au verbe.