fr LA CRISE DE L’AUTORITE ENONCIATIVE DANS LA PESTE : ACCUEILLIR LE PARASITE AU CŒUR DE LA NOMINATION
  • Matisson,  Vivien
    Université Toulouse-2 Jean Jaurès, France
Abstract

Cet article analyse l’hybridité des discours et les « non-coïncidences du dire » à l’œuvre dans La Peste d’Albert Camus. Contre le « classicisme » supposé du livre, il s’agit de percevoir les enjeux d’une crise de l’autorité énonciative qui provient d’une conception moderne de la langue. Cette dernière suppose de renoncer à la croyance en une « transparence » du signe. En nous appuyant sur les travaux de Jacqueline Authier-Revuz, nous mettons en avant quelques traits stylistiques qui prouvent la sensibilité de Camus aux dangers du fétichisme des mots et des formules qui se répandent comme une « peste langagière », au travers des personnages qui les diffusent. À partir de l’incipit qui annonce un dédoublement tonal de la voix narrative, nous poursuivons l’étude avec le personnage de Grand qui doit passer par un rituel de purification symbolique pour se débarrasser de sa fièvre linguistique. Camus joue avec les locutions, les expressions figées et les marqueurs paraverbaux pour alerter le lecteur sur la manière dont les individus façonnent leur être dans la langue. Enfin, à l’échelle de l’œuvre, la crise du sens provoquée par la peste aboutit à une nécessaire prise en charge de la violence de la nomination et de sa non-coïncidence avec le réel.