fr MICHEL TOURNIER ET « LE MIROIR À DEUX FACES » : PORTRAIT OBLIQUE D'UN ÉCRIVAIN AU CROISEMENT DU DIRE ET DE L’ÊTRE
  • Bataille,  Mathilde
Abstract
Michel Tournier a toujours exprimé son peu d'intérêt pour les écrits de l'intime et se défend de trouver son inspiration dans sa propre vie. S'il se plaît à opposer les écrivains « nombrilistes » et les écrivains « fictionnistes », c'est de ces derniers qu'il se revendique. Tournier insiste sur la nature fictionnelle de ses récits, et s'indigne face aux critiques qui cherchent dans son propre parcours le modèle de l'un ou l'autre de ses personnages. Après l'échec du Vent Paraclet (1977), son autobiographie intellectuelle qui l'a conforté dans son peu d'intérêt pour ce genre, c'est ce refus de l'écriture de soi qu'il réaffirme à travers les titres de deux ouvrages plus récents, Journal extime (2002) et Je m'avance masqué (2011). Néanmoins, Tournier n'est pas sans livrer dans ses essais ou lors d'entretiens des éléments sur sa personnalité. L'écrivain s'est même façonné un portrait cohérent, sur lequel il est peu revenu au cours de sa carrière. Ses propos tendraient à le définir comme un auteur du présent, maniant l'humour pour dénoncer les travers de la société ou en décrire les côtés insolites, et valorisant une esthétique de la célébration. Mais ce portrait, qui donne l'impression de relever d'un système auquel l'écrivain se tiendrait, ne serait-il pas fabriqué par l'auteur lui-même ? Nous nous intéresserons à l'écart entre l'ethos que s'est façonné l'écrivain et l'image de lui-même que tendent à donner ses textes. Pour ce faire, nous confronterons les commentaires de l'écrivain à un matériau encore peu exploité, celui de ses choix génériques. Nous montrerons que les choix génériques de Tournier et leur évolution en disent long sur la personnalité de l'auteur, notamment sur son rapport au temps et sur sa philosophie de l'existence, et qu'ils dessinent en creux un portrait mouvant de l'écrivain, souvent plus complexe que l'image de lui-même qu'il veut bien donner.
Abstract
Michel Tournier has always expressed his lack of interest in writings of intimacy and denies having found inspiration in his own life. He highlights the contrast between the “inward-looking” writers and the fictional writers, maintaining that he is one of the latter. Tournier insists on the fictional nature of his works and strongly contradicts critics who attempt to find in his life the models that he used in order to create literary characters. After the failure experienced with Vent Paraclet (1977) -his intellectual autobiography that reinforced his little interest for this genre- he reaffirms his refusal of this writing style through two of this most recent works’ titles, Journal extime (2002) and Je m'avance masqué (2011). Nevertheless, Tournier has sometimes revealed information concerning his personality in his essays or when giving interviews. The writer has even created a coherent self-portrait, which he has barely changed throughout his career. His remarks tend to define him as an author interested in present times, who uses humour in order to criticize society’s flaws or to describe its peculiarities and who promotes in his writings the aesthetics of celebration. But this portrait, which seems to result from the author’s personal philosophy, could it be anything else than the author’s creation? We will analyse the differences between Tournier’s self-created ethos and the image that his writings tend to create. To this purpose, we will compare the author’s remarks with written sources that have rarely been used: his generic choices. We will prove that Tournier’s generic choices and their evolution provide insight into the author’s personality, especially into his views on time and existence, and that they paint a constantly changing portrait of the writer, often more complex than the image that he chooses to convey.