Abstract
Un couple, quoi de plus réel ? Des reproches, des promesses manquées, des appréhensions, la recherche d’un bouc émissaire, des remords, des gestes banals ou irréfléchis, des actes manqués, etc. Un couple tragique, quoi de plus classique ? Rappelons-nous Othello et Desdémone (Shakespeare), Clytemnestre et Agamemnon (Eschyle), etc. Et pourtant, à l’époque où la quotidienneté du tragique rend la tragédie irreprésentable, l’écriture ionescienne, réfractaire à la représentation mimétisante du réel, parvient à dédramatiser les relations familiales en prêtant des aspects surréalistes à la mécanique infernale de l’absurde existentiel ressassé par les personnages. Comme dans le rêve, point de départ de cette « comédie », sur la scène ionescienne la vie se meurt, le réel se déréalise, le cadavre vit et entraîne dans sa « progression géométrique » délétère la déconstruction de tous les mécanismes traditionnels du théâtre : logique, langage, personnages, intrigue. Chez Ionesco, la lucidité onirique, eu égard à la nature « essentiellement dramatique » du rêve (Entre la vie et le rêve, 1996 : 12), se laisse aisément amener en scène pour s’associer à la ludicité théâtrale et à l’humour, mais paradoxalement, elle rend l’incohérence du réel (symbolisée par la prolifération du concret, de la matérialité : champignons, cadavre) supportable grâce à la cohérence des signes théâtraux.
Abstract
A couple. What else can be more real? Reproaches, unfulfilled promises, fears, remorse, banal and illogical gestures, failed acts, looking for a scapegoat, etc. A classic tragic couple. The most classic tragic couple ever imagined. Let us remember Othello and Desdemona (Shakespeare), Clytemnestra and Agamemnon (Aeschylus), etc. And yet, in times when the quotidian tragic causes the tragedy to become non-representable, Ionesco’s writing, refractory to the mimetic representation of the real, offers a de-dramatization of family relationships, by providing surreal aspects for the infernal mechanics of the existential. As it happens in a dream - the starting point of this ‘comedy’ -, on the stage of Ionesco, life agonises, the real dematerialises, the cadaver lives and involves, in its ‘geometric progression’, the deconstruction of all the traditional mechanisms of the theatre: logic, language, characters, plot. In the Ionescian theatre, considering the ‘fundamentally dramatic’ nature of the dream (Entre la vie et le rêve, 1996: 12), the oneiric lucidity has its definite place on stage, beside the theatrical ludic and the black humour, but, paradoxically, it makes the incoherence of the real (symbolized by the proliferation of the authentic, of the materiality) become bearable thanks to the coherence of the theatrical signs.