De l’écriture en vers d’Alphonse Allais (1854-1905) on connaît essentiellement quelques distiques holorimes, des jeux de rimes in absentia ou des paires d’alexandrins exceptionnellement court et long. Après avoir pris la mesure des innovations métriques et poétiques de l’« humoriste fin-de-siècle » (trivialité burlesque des bout-rimés, « fable-express », équivoque généralisée, etc.), on abordera la question de la « rime riche à l’œil », qui repose sur une homographie associée à une stricte hétérophonie (« Les gens de la maison Dubois, à Bone, scient / Dans la froide saison, du bois à bon escient »). Loin de se réduire à un jeu approximatif et gratuit, cette expérimentation formelle engage une réflexion aiguë sur les principes traditionnels de la versification française : la contrainte artificieuse n’est là qu’un moyen de dissimuler, sous des dehors comiques sinon absurdes, une remise en cause du langage dont le XXe siècle devait tirer profit avec plus ou moins de bonheur. Voilà pourquoi le Collège de Pataphysique, dont Ionesco fut Transcendant Satrape, affirmait que chez Allais « le sérieux et son absence se confondent en s’abolissant ». |