Abstract
Le goût de l’archive d’Arlette Farge est un texte qui échappe à toute classification de genre. Il se veut un essai historiographique sur un sujet assez précis : le travail de l’historien du XVIIIe siècle et la méthode d’utilisation des archives judiciaires. Toutefois, les choses sont loin d’être aussi simples. Des séquences qui pourraient être définies comme fictionnelles surgissent entre un chapitre et l’autre, typographiquement différenciées par l’utilisation de l’italique ; des personnages sans nom parcourent le labyrinthe des archives, l’explorent, le découvrent de manière silencieuse et respectueuse ; les nombreuses descriptions sont conduites avec richesse de détails et une rhétorique subtilement exploitée, notamment grâce à l’emploi récurrent de la synesthésie. Si la méthode historique et la réflexion épistémologique d’Arlette Farge portent le sceau de Michel Foucault, le « goût de l’archive » qui se manifeste, entre autres, dans la partie la plus fictionnelle de l’œuvre témoigne de l’influence de l’écriture asystématique de Roland Barthes. Notre intervention vise à explorer cet essai, tout particulièrement dans ses passages fictionnels-descriptifs, pour mettre en évidence ce « plaisir du texte » barthésien – au caractère instable, mais à la fois dicible, racontable, transmissible.