Auteur d’un vaste cycle autobiographique, Michel Leiris contribue décisivement au renouvellement des genres autoréférentiels par une expérimentation langagière et narrative qui anticipe de quelques décennies « l’aventure de l’écriture » envisagée par les structuralistes et les Nouveaux Romanciers. L’exploration du moi s’accompagne chez lui d’une exploration des potentialités du langage. Pensant que l’homme contemporain est emprisonné par cet outil de communication, Leiris éprouve la nécessité de le réinventer, de le forcer à lui livrer des vérités inouïes. Transformés ainsi en objet de la recherche littéraire, les mots sont forcés de quitter le domaine de la communication habituelle et de montrer leurs richesses insoupçonnées et leurs facultés créatrices. C’est pourquoi Leiris imagine une sorte de maïeutique socratique basée sur des tâtonnements successifs des vertus ésotériques du langage, susceptibles de révéler le sens de l’Absolu. L’une des propriétés du jeu avec le langage est de faciliter l’accès à l’(auto)connaissance. |