Abstract
De son premier roman intitulé Vendredi ou les limbes du Pacifique (1969) à son dernier roman s’intitulant Eléazar ou la Source et le Buisson (1996), Michel Tournier ne cesse pas d’utiliser sous plusieurs formes des éléments empruntés aux champs littéraire, artistique, mythique, biblique et philosophique. C’est la raison pour laquelle les romans de Tournier sont l’objet des études de plus en plus fréquentes de l’intertextualité depuis sa naissance dans les recherches littéraires et discursives. Certes l’intertextualité n’est pas un procédé d’emprunt ou de réécriture bruts, comme souligne Marc Eigeldinger dans son œuvre intitulé Mythologie et Intertextualité (1987), mais elle assume trois fonctions majeures à l’intérieur des œuvres dans lesquelles sont transposés les éléments empruntés : référentielle et stratégique, transformatrice et sémantique, descriptive et esthétique. Le titre de ce roman renvoie directement à un poème de Johann Wolfgang von Goethe intitulé Erlkönig (Le Roi des Aulnes) où il traite d’un thème de la mythologie germanique racontant le vol des enfants d’un ogre aérien. Michel Tournier part de la partie Saint-Christophe de la Légende dorée de Jaques de Voragine qui raconte le port de l’Enfant-Christ de Réprouvé (devenu Christophe après son baptême) et arrive petit à petit au vol des enfants par cet ogre. Son protagoniste Abel Tiffauges devient, à travers les évènements auxquels il s’expose, d’abord un pédéphore (porte-enfant), ensuite un pédévole (vole-enfant). Notre travail a pour objectif d’analyser le champ mythique de ce roman en ses rapports avec les autres champs que Tournier emprunte dans des perspectives stratégique, sémantique et descriptive.